Les heures de réflexion
C’est vrai qu’il arrive un moment où les mots appartiennent à la littérature. On se met à discuter avec Aristote, Cervantes et Virginia Woolf. On ne cherche plus à charmer ou à raconter des désastres personnels. Les souvenirs deviennent interchangeables et on découvre une beauté profonde, même dans des choses qui ne nous appartiennent pas.
J’ai peut-être une complaisance envers une certaine forme d’ascétisme et de renoncement. C’est bizarre. J’étais à l’hôpital et je m’émerveillais du passage des infirmières et des éclopés, et j’essayais de traduire cela en mot sur mon téléphone intelligent. Je me disais que la littérature surgissait quand le rapport de similitude était rompu, et que le langage se tenait dans un état d’équilibre arbitraire, tout à fait improbable, presque miraculeux, où l’on ne se soucie plus de ressemblance.
Le lien entre la littérature et le monde, la théorie et les objets physiques est toujours fascinant, mais il n’existe pas de principe unifiant qui ressemblerait à une loi, parce que l’esthétique n’est pas un modèle qui cherche à provoquer une ressemblance.
Cela rend cet exercice de la littérature – l’exercice de la solitude – encore plus difficile à cerner.
Ce n’est pas non un modèle analogique, une sorte de dérive de l’esprit qui permet de multiplier la réalité, de déplacer ce que l’on perçoit pour en extraire, quoi? Une multiplication des possibilités, un spectacle?