Après le mur

par Pierre Yergeau

Je me suis mis à suivre machinalement le mur. À vrai dire, j’étais allé à une fête où un ami que je n’avais pas revu depuis longtemps m’avait dit : « Tu as perdu la tête? ». Je repensais à ses paroles, et à la façon dont il balançait son visage en me dévisageant – comme s’il cherchait réellement ma tête. Bref, j’étais là, le ventre vide, à suivre ce mur interminable. Après quelque temps, j’ai remarqué un chien qui aboyait à mes côtés. Il devait penser que j’étais un de ces touristes égarés dans la ville. Lorsque je m’arrêtais, il me reniflait. Il y avait de grandes ombres qui fouillaient le sol et des morceaux déchiquetés de lumière. Ce devait être le crépuscule, de l’autre côté du mur. Les rues étaient désertes. Bientôt les couleurs se sont mises à fondre et je ne distinguais plus les objets devant moi. Je tâtais le mur en avançant – je n’avais pas l’intention de m’égarer! Le chien essayait joyeusement de me mordre le mollet. J’ai accéléré le pas. Ce mur allait prendre fin! Puis je me suis souvenu : Après le mur, l’hiver. Toujours.