Ils deviennent anonymes.

par Pierre Yergeau

Encore une fois — je suis sorti pour voir les outardes traverser le ciel à la brunante. Il n’y a pas de souvenirs précis. J’ai l’impression d’être toujours sorti à la hâte lorsque j’entends leurs cris. Une lamentation rudimentaire, atonale, de tristesse et de fuite, dans un ciel sombre et mort. Je pensais à Jack et je lui parlais. Cela me rend tellement triste qu’il ne soit plus là avec moi : il m’est difficile de le voir disparaître un peu plus chaque mois.

Les morts sont défigurés. Les morts ne ressuscitent pas. Les morts ne voient rien au-delà. Ils deviennent anonymes. On peut leur poser toutes les questions et c’est merveilleux : elles resteront sans réponse. Je savais que je pouvais lui dire n’importe quoi, les choses les plus naïves ou les plus tourmentées : il allait m’offrir quelque chose de sa voix bourrue, avec ce sourire qui s’effondre et cette emphase bien française dans l’intonation, qui vient à la fois de la culture et du bon vin.

Salut Jacques Perrin!