25 mars 2019 — Insomnies
par Pierre Yergeau
Je lis ici et là des poèmes de Marina Tsvétaïéva, Insomnie, en traduction bien sûr. C’est comme entrer à l’intérieur d’un labyrinthe où nos pas ne laissent pas de traces, ou regarder un spectacle très loin du haut d’une terrasse, ou écouter une fanfare où la musique joue au ralenti, s’étire, accélère… J’aime tellement être avec tous ces morts de la littérature, dans leur intimité. C’est là où j’ai vécu une grande partie de ma vie — et ce n’est pas une façon de tourner le dos à la vie. Au contraire! C’est une façon d’assumer une plus grande part de mon humanité.
Mon amour doit rencontrer son oncologue demain. Il est possible que sa plèvre se remplisse encore une fois d’eau. Après mille péripéties, nous sommes enfin chez nous, dans notre grand chalet des Laurentides. Nous sommes tous les deux épuisés, et heureux. Aussi étrange que cela puisse paraître, il y a beaucoup de bonheur dans nos vies. Nous avons des garçons magnifiques.
Pourtant, par bout, il nous semble que notre vie est devenue trop pathétique. On en rigole. Deux cancéreux qui vendent leur maison pour payer leurs dettes, et qui se retrouvent au milieu des montagnes après des semaines plutôt mouvementées. C’est de la mauvaise littérature. Ce sont là des événements qui manquent un peu de proportion. Après tout, qui sommes-nous pour attirer tous ces mauvais esprits? C’est quoi l’affaire? Bon, la littérature, c’est aussi cela, parfois, un manque de proportion, un manque d’esthétisme.
La photo est de notre fils Zoé pour le livre à paraître sous peu : La théorie de l’existence.