Je croyais à l’amour physique et à l’amitié

par Pierre Yergeau

Je croyais à l’amour physique et à l’amitié. L’amour romantique était une illusion. Il m’arrivait souvent de transférer un sentiment vers un autre. Je pouvais être offusqué alors que je ressentais de l’insécurité. Je pouvais me fâcher parce que je ne réussissais pas à discuter de certaines choses.

– Tu l’as écrit, tu es comme un enfant, me cria-t-elle un jour en colère. Un gamin! Un enfant qui a appris de travers, qui s’excuse sans arrêt, qui s’offusque pour rien, et qui discute avec des Immortels, des figures de carton-pâte, parce qu’il ne peut pas parler avec les vivants! L’enfance des enfants blessés, ça ne se termine pas. Il en reste toujours des traces. Laisse-moi!

Elle avait raison. Sans que je le sache, avec une grande patience, parfois avec de la colère et des larmes, elle m’a offert cette éducation sentimentale que je n’avais pas reçue – sans laquelle nous restons en partie absents au monde.

L’écriture d’un roman demeure toujours une simplification du réel. À force de silence et de fuite dans le langage, de graffitis, d’images que l’on déplace d’un endroit vers un autre, de personnages qui changent de sexe, qui courent nus dans les rues, de jours de fatigue, de ratures, on essaie de replier une vision du monde vers le réel, on essaie de comprendre la logique du récit.