La mutation des discours
par Pierre Yergeau
Cela revient toujours à un problème de métaphysique. Je ne sais pas comment vous voyez la relation entre l’esprit et la matière. Si le monde matériel a ses propres règles que l’esprit peut comprendre, saisir, décortiquer, avec méthode ou pas, toutes les lois demeurent des créations de l’esprit humain – qui seront éventuellement modifiées, mises au rebut, ou brevetées et vendues au Nasdaq.
Lorsqu’on établit ce type de catégories, on peut en ajouter autant qu’on veut. Bien sûr, l’âme, par exemple – mais pourquoi séparer l’esprit? Pour essayer de faire disparaître certaines contradictions? Alors, conservons les contradictions. Après tout, il s’agit de littérature! Il s’agit de faire bouger des personnages. Mon personnage boit une bière mexicaine à un bar. Le soir, elle a l’impression que les objets sont morts.
Vous avez déjà eu cette impression? Ce sentiment hautement métaphysique que l’espace et le temps ne coïncident plus (c’est ce que j’appelle la mort). Je ne veux pas vous décevoir, mais lorsqu’il n’y a plus de sang dans les mots qu’on écrit, alors il vaut mieux pratiquer un sport extrême.
Donc, ce serait la quête de mon personnage principal. Cerner la métaphysique. Pour cela, il ne faut pas qu’elle ait peur de la solitude et du silence. Elle ne doit pas trop s’en faire avec la vie, la distribution des mots, ou même cette cochonnerie que l’on nomme la mutation des discours.