30 avril

par Pierre Yergeau

Je suis allé à la clinique de psychiatrie, située au premier étage d’un immeuble commercial de Charlemagne. Lorsque j’ai pris les escaliers, je me suis demandé si je m’étais trompé d’endroit. J’ai débouché sur un long corridor étroit et assez sombre. J’ai marché jusqu’à un petit îlot où quelques sièges simulaient une salle d’attente.

J’ai donné mon nom à un comptoir. J’ai attendu debout dans la pénombre. Je regardais de chaque côté les corridors longs et étroits. Quelquefois, ce ne sont pas nos pensées qui sont fragmentées, c’est le réel. Après quelque temps, une psychiatre est sortie d’un bureau et a nommé mon nom.

On se dit que ce n’était pas là notre avenir. Peut-être qu’il y a en moi un vieux reptile archaïque qui attendait depuis longtemps dans le corridor. C’est comme si j’avais de la difficulté à habiter mon corps, qui était animé de soubresauts involontaires. Notre conception du monde est une fabuleuse architecture. Lorsqu’elle s’émiette, on découvre en soi toutes sortes de bizarreries.

La question de l’être, disait Heidegger, est aujourd’hui tombée dans l’oubli. Quelle incroyable façon de commencer un bouquin. Je me suis réveillé durant la nuit. Il m’était impossible de retrouver le sommeil. J’étais en sueur. Je respirais. Je me suis dit que je devrais me lever pour essayer d’ordonner mes pensées, donner une suite logique à ma réflexion. Puis, j’essayais d’imaginer des situations drôles et mélancoliques.

Je suis finalement entré dans le bureau de la psychiatre. Nous sommes restés assis un long moment l’un devant l’autre sans rien dire. Elle s’est penchée vers ses dossiers, a sorti une feuille et a griffonné quelques notes.

– Bon, dit-elle, est-ce que vous êtes prêt?

– Quoi? dis-je. Vous croyez que je suis fou?

– Cela a assez duré, dit-elle. Je vais vous endormir.

Cela avait assez duré. Je me répétais ces paroles. Je me suis rendormi, puis réveillé une autre fois.  Il est maintenant 13 heures 21. Je n’arrive pas à travailler et j’attends…