19 février 2019
par Pierre Yergeau
Sur la publication Instagram, j’avais photographié une coupe de vin rouge et une coupe de vin blanc devant la fenêtre de notre chambre d’hôtel où l’on apercevait le port de Saint John. Le soleil se couchait derrière les docks. S. toussait. Durant la nuit, elle a dû dormir en position assise.
Trois jours plus tard, nous repartions sur la route. Pour éviter la tempête de neige, j’ai roulé d’un coup les neuf heures qui nous séparaient de Repentigny. Le lendemain soir, à l’urgence, nous apprenions que S. avait un poumon rempli d’eau (dans les faits c’est la plèvre qui se remplit d’eau et écrase le poumon).
Il y a eu un moment à l’urgence où elle ne pouvait plus respirer. Dans la salle, tout semblait ordonné et calme autour de nous. L’infirmière a installé un drain. L’urgentologue a demandé si l’équipe devait s’acharner en cas de complication. Mon amour se dévitalisait sous mes yeux. Je la sentais glisser loin de moi et perdre sa force et sa foi.
Après une heure où elle avait peine à respirer, elle a émis un son étouffé, qu’elle a cru être un cri, puis je l’ai vue reprendre un peu de couleurs. L’air circulait à nouveau dans les poumons. L’eau s’était vidée trop rapidement. Plus de trois litres s’étaient écoulés. Pendant un temps, l’espace autour de moi m’a semblé trop clair et défini.
Comme si l’on n’a plus le choix d’accepter certaines choses, mais que cet ordre nouveau nous est totalement étranger. Les situations d’urgence nous mettent à nu. Il arrive un moment où l’on ne peut même plus se dissimuler dans l’angoisse. Heureusement, cette soirée est derrière nous.
***
Nous avons vendu notre maison et devons la quitter dans trois semaines — et nous n’avons pas encore trouvé la nouvelle! Nous sommes plutôt zen devant cette situation : après tout, peu importe. Nous en avons repéré une spectaculaire dans les Laurentides, mais il semble qu’il y ait trop de réparations à y apporter… Qu’est-ce que je fais? On dirait que j’écris un journal.
Mon petit livre devrait paraître bientôt. Je crois que je n’ai jamais ressenti autant de fébrilité devant la publication d’un livre — mon quatorzième! Et mon premier recueil de poésie, publié dans la maison d’édition où j’envoyais mes recueils lorsque j’étais adolescent en Abitibi. Étrange circuit.