Métastases
par Pierre Yergeau
Je ne pouvais pas toucher son dos avec ma main gauche, parce qu’elle avait trop mal. Alors je restais là, les yeux ouverts dans l’obscurité. C’est tout à fait inutile d’être lucide et conscient. Ma pensée devient de l’absence. Une sorte d’abandon, où les paroles se désagrègent.
J’attends les premiers signes de son sommeil. J’essaie d’évaluer sa respiration. Alors, si je devais faire un portrait robot de ce mal, comment je le décrirais?
Sa respiration, c’est un vent qui souffle de la mer. Le sang reflue dans le corps. Les muscles se contractent. La cage thoracique se soulève. Les fluides circulent. Il y a des jours pas si lointains où je m’endormais paisiblement, ma main gauche contre son dos.
Je ne sais pas quelle heure il est. Les mêmes paroles peuvent à la fois décrire et détruire les objets et les êtres. Rien ne peut me libérer de ce désastre, si ce n’est sa beauté. Certains jours, je me sens curieusement responsable de cette beauté. C’est tout de même moi qui la regarde s’endormir. J’en suis heureux.