La mémoire est parfois désorganisée
par Pierre Yergeau
Je parle ici des souvenirs les plus lointains, qui semblent parfois manquer de perspective et dont les images s’effondrent doucement la nuit. Il m’est arrivé de répéter sans fin des souvenirs qui ne tenaient pas bien debout, qui tanguaient et s’effritaient. Il m’est arrivé d’en faire des objets et d’essayer de les tenir devant moi comme un fétichiste. J’aurais aimé qu’ils soient des calques de la vie.
J’aurais aimé qu’ils ressemblent à une erreur. Vous voyez un peu? J’aurais aimé les voir surgir comme un fait accompli, et non pas m’engouffrer en eux. J’aurais aimé m’en gaver comme s’ils étaient des petits gâteaux. Je dis vraiment n’importe quoi. Lorsque je les regarde dans le détail, je suis toujours surpris de sombrer irrémédiablement dans le langage.
C’est pourquoi les souvenirs et la fiction se côtoient irrémédiablement. On ne peut pas les cataloguer. On se blottit à l’intérieur d’eux. On s’aperçoit qu’ils forment des amalgames. Ce sont des causes perdues. Nous sommes comme des barbares, prêts à affronter un monde nouveau. Les personnages que l’on croise sont peut-être des marionnettes, mais ils ont du bagou!